En 2007, le jeu vidéo Les Sims 2 dévoile sa nouvelle extension, H&M Fashion, une collection de la marque éponyme disponible digitalement pour les avatars du jeu. Aujourd’hui, ce phénomène est devenu ordinaire, et tous les grands noms du jeu vidéo ont réalisé ce type de collaboration avec des marques de mode : League of Legends et Louis Vuitton, Fortnite et Balenciaga, Roblox et Adidas, Animal Crossing : New Horizons et Marc Jacobs ou même la dernière version des Sims, Les Sims 4 et Moschino. Vendus à des prix très inhabituels pour ces marques, avec des prix aux abords d’une quinzaine d’euros, le digital semble être une nouvelle opportunité pour la mode, en s’ouvrant à un nouvel univers. Pourtant, même si le succès de ces collaborations reste indéniable, compte tenu de leur diffusion massive sur différents jeux, certains joueurs ne semblent pas y porter une grande attention. Comment expliquer l’insensibilité à ces collaborations de mode chez cette minorité ?
Pour mieux comprendre cette problématique, nous avons rencontré Mireille Pacquet, sociologue de la mode, mentor et advisor web3 projets gaming et mode, Alexis Arragon, expert en innovation numérique, Jeux vidéo, 3D immersive et digitalisation de la mode, Giulia Haut Perucca, étudiante en Arts et Technologie de l’Image et joueuse de jeux vidéo, et Dylan Vasquez, joueur de jeux vidéo aguerri.
Pourquoi digitaliser le vêtement de mode ?
Dans Les industries de l’attention : fidélisation, alerte ou immersion, Dominique Boullier explique que le jeu vidéo n’est plus aujourd’hui considéré comme un divertissement de niche, mais est bien le nouvel “archétype de l’industrie de l’attention”. Ce nouveau paradigme représente alors une piste de développement intéressante pour les marques. L’insertion de la mode dans l’univers du jeu vidéo est partie, selon Mireille Pacquet, (Sociologue de la mode), d’une volonté des marques de développer une nouvelle cible en profitant des communautés de joueurs, qui constituent une base de clients potentiels très soudée, mais surtout très fidèle, un trait cruellement manquant dans la monde de la mode, selon Mireille Pacquet.
Le skin Renee (Outfit) de la collection Fortnite Moncler Classic Bundle, modélisé selon notre interprétation du jeu Fortnite.
Alexis Arragon, spécialiste de la mode digitale, prend l’exemple de Fortnite et de la marque Balenciaga, qui ont collaboré en 2021. La communauté des joueurs de Fortnite est relativement jeune, et une collaboration entre le jeu et la marque de luxe est une opportunité pour cette dernière de développer sa cible pour un public jusqu’à présent imperméable à l’univers de la mode. Il précise que s’il n’y a pas forcément de conversion joueur/clientèle dans l’espace social physique, la collaboration permet de toucher cette cible inaccessible auparavant pour des raisons financières, en leur proposant un produit ancré dans leur quotidien et à prix moindre.
« C’est un enjeu d’être là, d’être présent, d’être actif, d’être représenté pour que peut être dans X années le joueur qui aura grandi, qui aura peut-être plus d’argent. »
Le skin Renee (Outfit) de la collection Fortnite Moncler Classic Bundle, modélisé selon notre interprétation du jeu Fortnite.
Le skin Renee (Outfit) de la collection Fortnite Moncler Classic Bundle, modélisé selon notre interprétation du jeu Fortnite.
La création de skins dans les jeux vidéo est un processus à la fois artistique et technique, qui demande une attention minutieuse à la cohérence visuelle et au respect de l’identité des plateformes ludiques. Chaque jeu possède des codes esthétiques uniques qui le distinguent auprès de sa communauté. Afin de satisfaire ces attentes, les éditeurs mettent en place des équipes créatives dédiées à la conception de skins inédits, tout en prenant en compte les contraintes techniques de la 3D. L’objectif est clair : optimiser les performances du jeu sans perturber l’expérience des joueurs tout en proposant de nouveaux éléments inédits.
Ainsi les marques de mode qui explorent la numérisation de leurs collections pour les proposer sous forme de skins rencontrent un nouveau défi : concilier leur vision marketing et créative avec les codes des univers virtuels, ce qui n’est pas toujours intuitif pour elles. Alexis Arragon, interrogé sur ce sujet, souligne que les marques sont souvent réticentes à s’éloigner des produits qu’elles commercialisent dans le monde physique. Il faut pourtant adapter ces designs à des environnements fantastiques, en prenant en compte des éléments tels que des effets spéciaux ou des textures interactives, pour offrir aux joueurs une expérience immersive unique.
« Si j’ai une paire de sneakers Puma dans Zepeto. Quand je marche est-ce que ça fait des étincelles ? Sauf que quand on est designer de mode, ce n’est pas les questions qu’on se pose et on n’est pas habitué à réfléchir à ça. […] Comment on fait la meilleure collaboration entre les deux ? Ça n’a jamais été facile à mettre en place. »
Le skin Renee (Outfit) de la collection Fortnite Moncler Classic Bundle, modélisé selon notre interprétation du jeu Fortnite.
Certaines marques, comme Gucci, ont déjà franchi ce cap en investissant dans des activations virtuelles sur des plateformes telles que Roblox ou Zepeto. Néanmoins, une méfiance persiste au sein des départements créatifs de nombreuses entreprises de mode. Ces dernières considèrent encore la création en 3D comme étrangère à la tradition textile.
L’attraction du joueur à leurs skins
Pour les joueurs, la personnalisation de l’avatar est un moyen d’exprimer son identité sur les plateformes de jeu. Tout comme dans l’espace social physique, la mode est un moyen de montrer son individualité et sa personnalité. Choisir quelle tenue porte l’avatar, c’est pouvoir plus facilement s’identifier à ce dernier. Cette volonté de le personnaliser est parfois telle que la communauté de joueurs cherche un moyen de briser les contraintes fixées dans le développement du jeu pour chercher à créer un avatar, le plus précisément choisi. Pour y parvenir, les joueurs ont souvent été à l’origine de l’intégration des marques dans l’univers du jeu vidéo. Grâce aux mods, des éléments créés par des amateurs et ajoutés dans le jeu sans qu’ils aient été prévus par les développeurs (souvent en contournant les barrières du jeu), de nombreux articles de marques ont pu rejoindre le monde digital, sans pour autant être à l’initiative des créateurs de ces articles. Fanny Barnabé dans Détourner, transformer, s’approprier : les pratiques créatives des joueurs et joueuses de jeu vidéo (2023) explique que le jeu vidéo est remanié par la communauté pour que celle-ci se l’approprie complètement et puisse exprimer ce qu’elle veut exactement, et ainsi “surimposer aux représentations d’origine d’autres messages et significations”.
Le skin Renee (Outfit) de la collection Fortnite Moncler Classic Bundle, modélisé pour le jeu League Of Legends.
La mode dans les jeux vidéo devient alors un moyen d’expression créative autour de laquelle se forment des communautés. Dans Animal Crossing par exemple, c’est cette possibilité de personnalisation qui va favoriser la création de liens communautaires entre les joueurs : le jeu permettant de partager ses créations, nous avons constaté, dans des séances d’observation participante, que des joueurs vont même reproduire des vêtements réels pour les intégrer au jeu. Dans When Games are the only fashion in town (2021), Johanna Gibson explique que pendant la crise sanitaire, il y a eu une “socialisation de la stratosphère gaming”, où des personnes jusqu’alors très peu familières à l’univers du jeu vidéo se sont retrouvées à découvrir et l’apprécier pour la sensation de semblant de vie sociale, dans un monde confiné. La mode dans le jeu devient un moyen d’expression de soi à la fois grâce aux vêtements proposés directement par la plateforme, mais aussi grâce à l’outil de création de vêtement permettant ainsi aux marques de créer leurs propres collections (Marc Jacobs ou Valentino par exemple). Plusieurs comptes Instagram sont d’ailleurs dédiés exclusivement à la mode dans le jeu, comme Crossing the Runway (@crossingtherunway) ou Animal Crossing Fashion Archive (@animalcrossingfashionarchive).
Pour Dylan Vasquez, la personnalisation est un moyen de se démarquer et de se différencier des autres joueurs. Il utilise la personnalisation pour créer une identité souvent éloignée de celle dans l’espace social physique, en utilisant des éléments fantasy ou des caractéristiques caricaturales selon le genre de ses avatars. Il explique que pour lui, l’avatar est un moyen de projeter sa personnalité dans le jeu.
« C’est vraiment, vraiment pour pouvoir me démarquer. Et voilà, comme je l’ai dit, je reviens à la fantasy »
Le skin Renee (Outfit) de la collection Fortnite Moncler Classic Bundle, modélisé pour le jeu League Of Legends.
Le skin Renee (Outfit) de la collection Fortnite Moncler Classic Bundle, modélisé pour le jeu League Of Legends.
Selon Giulia Haut Perucca, à la fois joueuse et créatrice de jeux vidéo, la personnalisation de l’avatar est l’un des points principaux d’un jeu : sans elle, il ne peut pas y avoir d’intégration ou d’identification possible entre le joueur et son avatar, affaiblissant ainsi la dimension immersive.
Dominique Boullier évoque les stratégies utilisées par l’industrie du jeu vidéo pour captiver l’attention de ses joueurs, et notamment l’importance de l’immersion. Selon lui, l’implication dans un univers fictif a atteint un nouveau niveau, où “le spectateur est désormais acteur” à part entière, établissant avec le dispositif une connexion de plus en plus forte. L’intérêt ici est d’ “[intégrer] l’acteur dans la production”.
La possibilité de créer un avatar unique et distinctif devient un moyen de mobiliser l’attention du joueur. Plus la personnalisation est développée, plus l’attention est retenue par l’interface de la plateforme.
Les deux joueurs enquêtés s’accordent à dire qu’ils apprécient changer l’apparence de leur avatar régulièrement. Giulia Haut Perucca affirme personnaliser les tenues de ses avatars à chaque session de jeu, les modifiant selon son humeur et ses goûts actuels. Dylan Vasquez, lui, nous explique que l’apparence de son avatar peut changer toutes les 25 minutes selon son humeur ou les actions qu’il s’apprête à effectuer dans le jeu. L’avatar agit donc comme un miroir de l’état d’esprit du joueur et renforce son sentiment d’immersion.
« Quand je lance le jeu, vu que ça va un peu avec mon mood, avec mes envies du moment, j’aime bien changer le personnage pour qu’il corresponde à mes goûts actuels. »
« Je pourrais le faire toutes les 3 h si jamais j’ai une pièce de costume qui me plaît. Ok, ça peut même être 25 minutes. »
Le skin, qu’il soit issu d’une marque de mode ou du jeu directement, est l’un des moyens principaux pour les joueurs d’exprimer une identité, qu’elle corresponde à l’espace social physique ou non. Giulia Haut Perucca explique que l’utilisation de la personnalisation n’est pas la même si le jeu vidéo est un jeu en ligne ou hors-ligne. Dans un jeu en ligne, le but de la personnalisation des tenues vient agir en tant que podium, pour pouvoir montrer la rareté de sa tenue aux autres joueurs. Hors-ligne, la personnalisation représente plutôt une recherche esthétique de l’avatar.
« Si c’est vraiment de la personnalisation, je ne vais pas forcément chercher les vêtements qui sont les plus, comment dire, les plus recherchés, pas ceux qui font les plus luxueux ou les plus chers ou machin. Je vais juste prendre quelque chose qui me semble joli. Alors que quand c’est un jeu où c’est un skin en ligne, on va plus y avoir ce truc d’essayer de montrer qu’on a le plus cher skin ou ce genre de choses »
Le skin Renee (Outfit) de la collection Fortnite Moncler Classic Bundle, modélisé pour le jeu League Of Legends.
Le skin est un moyen de se différencier des autres joueurs : en s’exposant avec une tenue d’une grande valeur, certains joueurs recherchent une forme de validation par le prestige et le statut. Giulia Haut Perucca souligne que les skins rares attirent l’attention et confèrent un certain statut, comparable à celui que procurent des objets de luxe dans la vie réelle. Pour Dylan Vasquez, les influenceurs dépensent en effet des milliers d’euros pour débloquer des skins rares, principalement pour se vanter.
Mais, tout comme les vêtements dans l’espace social physique, la mode dans un jeu vidéo peut également servir de marquage communautaire. Giulia Haut Perucca nous explique que certains skins exclusivement distribués à une période donnée renforcent le sentiment d’appartenance à la communauté du jeu et permettent d’affirmer une participation à des moments particuliers. Si un skin est populaire au sein de la communauté, un joueur sera plus susceptible de l’acquérir, même s’il ne le trouve pas particulièrement attrayant au départ.
« Quand quelque chose est rare, unique ou en très peu d’exemplaires, forcément ça va plus attirer. Et c’est même pas qu’une question de collection, c’est vraiment une question de statut. »
Ainsi, il semble, au premier abord, que le marché des marques dans l’univers des jeux vidéo soit un nouveau moyen de rendre accessible un secteur de luxe, connu dans l’espace social physique comme relativement hors de portée. Pourtant, selon les joueurs que nous avons interrogés, l’articulation des deux secteurs n’est pas si simple. En effet, les joueurs rencontrés témoignent d’un manque d’information sur ces collaborations, même lorsqu’il s’agit de jeux auxquels ils jouent régulièrement. Il y aurait peut-être, sur les plateformes de jeu, une invisibilisation des produits de marque par rapport aux autres skins.
Les réticences des joueurs
Le skin Renee (Outfit) de la collection Fortnite Moncler Classic Bundle, modélisé pour le jeu Animal Crossing New Horizons.
« Vous ferez pas faire à un joueur ce que vous pouvez faire à un consommateur de la mode »
Ce marché du luxe dans les jeux vidéo trouve rapidement ses limites, ce qui explique le manque d’intérêt de la part des deux joueurs rencontrés. Un argument que nous avons retrouvé dans chaque entretien évoque l’éphémérité du jeu.
C’est parce que les serveurs ne sont pas éternels que Giulia Haut Perucca, étudiante à faible revenu, est réticente à acheter des skins de mode : hors-ligne, une fois que le jeu est terminé, le contenu acheté est perdu. En ligne, les articles de mode achetés sont aussi voués à disparaître qu’il s’agisse de la fin des serveurs ou d’un désintérêt des joueurs. Giulia Haut Perucca nous confie qu’elle est consciente que ce que les marques proposent dans ces espaces numériques ne sont que quelques lignes de code, ce qui l’empêche de dépenser dans ces produits.
Dylan Vasquez partage ce point de vue, d’une manière plus modérée puisqu’il prend tout de même part à ce marché : il nous a confié avoir dépensé dans des skins plus de 2000€ au total, certains achats allant jusqu’à 200€. Mais malgré ses habitudes de consommation, il nous avoue que cette peur reste toujours en lui. Il nous raconte l’histoire de l’un de ses jeux, Concorde, qui a fermé ses serveurs quelques semaines après son inauguration. Les joueurs qui ont investi dans des tenues sur cette plateforme ont perdu tout leur contenu, sans être remboursés.
Depuis, il fait preuve de plus de précaution dans ses achats, pour se laisser le temps de mieux réfléchir à sa décision. Dans un souci de conservation de son contenu acheté, et par crainte de le perdre, Dylan Vasquez prend également en photo ses achats, une façon pour lui de conserver ses skins « sous cloche » et de pouvoir admirer sa collection d’une manière pérenne.
« On a souvent cette image que le virtuel, tout est ancré, tout reste sur Internet, etc. Mais les médias le prouvent, tout s’efface, tout part au bout d’un moment et le jeu, c’est pareil. »
Un autre obstacle au succès de ce marché semble venir des contraintes posées dans les jeux pour ne pas perturber l’expérience joueur.
Le skin Renee (Outfit) de la collection Fortnite Moncler Classic Bundle, modélisé pour le jeu Animal Crossing New Horizons.
Le skin Renee (Outfit) de la collection Fortnite Moncler Classic Bundle, modélisé pour le jeu Animal Crossing New Horizons.
Tout d’abord, l’autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) propose plusieurs axes quant à la publicité dans les jeux vidéo. Dans un premier temps, elle propose d’identifier les espaces publicitaires. S’ils sont identiques à l’espace social physique, il n’est pas nécessaire de les mentionner en tant que publicité. Dans le cas contraire, “une indication explicite permettant d’identifier la publicité comme telle” est nécessaire. Ensuite, la publicité ne doit pas nuire d’une quelconque manière au confort d’utilisation du joueur et à la jouabilité du jeu, “en entravant l’accès aux fonctionnalités ou commandes du jeu ou en diminuant la visibilité des éléments qui le composent”. D’une manière générale, les jeux disposent rarement d’espaces publicitaires semblables à ceux de l’espace social physique (panneaux d’affichage, vidéo publicitaire…). Il s’agit plus régulièrement de pop-up, et les annonces publicitaires sont diffusées parmi d’autres informations utiles (patch notes, annonces, autres publicités).
Ce moyen de diffusion peut être l’une des raisons de l’invisibilisation des différentes collaborations. Nos joueurs interrogés nous font comprendre que les publicités de collaborations de marques sont rarement mises en avant, et qu’elles sont souvent temporaires. Alexis Arragon nous précise que les marques n’ont aucunement la possibilité d’être intrusives dans les espaces virtuels. Elles ne disposent pas de possibilité de placements de produit ou d’enseignes publicitaires semblables à celles des espaces urbains, susceptibles d’affecter l’expérience des joueurs. Leur promotion se manifeste exclusivement à travers les skins, disponibles dans un catalogue plus global où le joueur peut le choisir, selon son bon vouloir et ses goûts. Il ajoute que les plateformes disposant de grandes communautés sont strictes quant à l’intégration des marques dans leur univers. Cela se traduit par une attention particulière portée à l’esthétique des produits, afin de préserver la cohérence graphique de l’œuvre. De plus, le nombre de skins de marque proposés est limité, que ce soit par saison ou par année.
Enfin, un élément qui semble être le plus grand obstacle à l’adhésion de nos deux joueurs reste la cohérence des intégrations de marques dans le jeu. Cet avis semble largement partagé. Dylan Vasquez ne cache pas sa déception lorsqu’il est plongé dans un univers et qu’un produit de marque vient briser l’immersion.
Giulia Haut Perucca est du même avis et nous avance d’ailleurs cet argument comme l’un des principaux l’empêchant d’acheter parmi ces collaborations : si le produit ne rentre pas dans l’univers artistique ou narratif du jeu vidéo, elle va le rejeter.
« Après si je vois qu’il y a un jeu où c’est des pirates et on voit d’un coup, un truc, un modèle Balenciaga arrivé sur un bateau de pirates, vous vous foutez de la gueule du monde »
Le skin Renee (Outfit) de la collection Fortnite Moncler Classic Bundle, modélisé pour le jeu Animal Crossing New Horizons.
Nos entretiens avec les joueurs nous font ainsi comprendre que la potentielle origine d’une insensibilité pour certains aux insertions des marques de mode repose sur leur attachement à la dimension immersive. L’avatar est un moyen pour eux de se plonger dans un univers souvent éloigné de la réalité. Les marques peuvent créer une rupture avec l’immersion artistique et narrative du jeu, puisqu’elles sont par définition ancrées dans la réalité.
On comprend que, tout comme dans l’espace social physique, même si dans une bien moindre mesure, la mode dans les jeux vidéo est réservée à un public relativement aisé, qui peut se permettre d’acheter de l’immatériel.
Dans nos entretiens, on remarque toutefois que nos enquêtés ont chacun évoqué une solution pour rendre la mode dans les jeux vidéo plus attractive. Il s’agirait en effet de créer des produits capables d’être adaptés et transposés dans plusieurs jeux vidéo en même temps, d’une manière transversale. Un tel système pourrait réduire l’éphémérité de ces vêtements et constituer un argument supplémentaire pour ce modèle de mode digitale. Cela pourrait relever d’une forme d’application du principe de portabilité, inscrit dans le RGPD.
Approche photographique
Ici figure trois modélisations d’un item de marque de mode de luxe de la marque Moncler qui s’associe à Fortnite pour la commercialisation du skin Renee (Outfit) dans la collection Fortnite Moncler Classic Bundle. Il s’agit de modélisations 3D réalisées d’après le skin d’origine qui est ensuite lui-même décliné selon deux autres jeux. Ainsi, les trois versions de ce manteau de luxe virtuel sont apposées sur le décor de leur jeu vidéo respectifs. Ce dernier est adapté aux codes photographiques, notamment le flou de profondeur de champ, afin de mettre en avant l’item.
Cette réalisation a pour objectif de faire la démonstration d’une veste qui s’adapte à la définition et le style graphique de chaque jeu sélectionné, en l’occurrence Fortnite (le jeu d’origine du skin), League of Legends et Animal Crossing New Horizons.
Le skin de marque de mode de luxe est le reflet de l’identité de la marque elle-même, transposée dans un jeu vidéo mais sans en adopter les codes. Nous avons voulu répondre à ce manquement de la part des marques à réaliser un skin qui s’intègre au “lore” du jeu par son esthétique et son design. Pour cela, nous avons réalisé un skin de la marque Moncler qui pourrait être acheté dans Fortnite mais que l’on pourrait aussi obtenir dans d’autres jeux vidéos, il garderait sa structure d’origine mais il subirait le changement de définition et d’esthétique de chaque jeu.
Bibliographie :
Barnabé, F. (2023). Détourner, transformer, s’approprier : les pratiques créatives des joueurs et joueuses de jeu vidéo. In S. Genvo & T. Philippette (eds.), Introduction aux théories des jeux vidéo (1–). Presses universitaires de Liège.https://doi.org/10.4000/books.pulg.26299
Boullier, D. (2009), Les industries de l’attention : fidélisation, alerte ou immersion. Réseaux, n° 154(2), 231-246. https://doi-org.accesdistant.bu.univ-paris8.fr/10.3917/res.154.0231.
Georges, F. (2012) « Avatars et identité, Les jeux vidéo. Quand jouer, c’est communiquer », n°62, Hermès, La Revue, CNRS Éditions, p.33-40.
Gibson, J. (2021), When Games are the only fashion in town : Covid-19, Animal Crossing and the future of fashion, https://doi.org/10.4337/qmjip.2021.02.00